Une
des choses les plus motivantes dans mon apprentissage de la couture a sans
doute été le côté « communauté », petits bars à couture à Paris,
où je rêvais d’aller alors que je ne savais pas encore mettre en marche une
machine à coudre, concours et compétitions en tout genre, salons de la couture,
etc… Il n’y a rien de plus simple à partager que le travail manuel.
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L'atelier Pause Couture à Clémenceau |
Et j’avoue qu’en arrivant à
Beyrouth, peu d’endroits proposaient ce genre de retrouvailles manuelles. La
plupart des cours de couture se faisaient dans un cadre académique qui ne me
convenait pas (à part Leyla de The OldFashioned Way qui est retournée à Londres). Je savais à présent mettre un
fil dans la machine, mais je me retrouvais seule face à elle.
Jusqu’en
Novembre dernier, quand Sabrina a ouvert un atelier de couture dans son
appartement de Clémenceau.
Sabrina
est une jeune styliste et modéliste française, installée au Liban depuis
quelques années. Pause Couture, c’est, comme le nom l’indique, un moment de
pause dans la rage du trafic et du chaos beyrouthin, le temps d’aller coudre
une pochette, un haut, une robe, tout ce qui nous fait plaisir. Le temps de
siroter une tasse de thé (qu’on oublie souvent à moitié pleine sur la table,
tant on est concentré sur son travail).
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Le petit buffet où on choisit son thé. |
Dans
ton travail, qu’est-ce qui te motive au quotidien ?
La
création, l’excitation. J’aime les périodes de collection, [Sabrina est
modéliste pour une marque d’habits d’enfants] il y a toujours quelque chose de
neuf qui arrive, j’aime voir des nouveaux modèles, voir la transformation du
patron à plat au modèle fini. C’est aussi ça qui me motive dans les cours que
je donne, chaque élève arrive avec ce qu’elle/il imagine, son idée, et moi je fais
en sorte qu’elle/il ressorte avec ce qu’elle/il voulait avoir. Je ne sais pas ce qui
m’attend au prochain cours, il n’y a pas de routine.
Ma version en soie indienne du t-shirt de Sabrina Cesari (présenté à droite)
Quelles
sont tes sources d’inspiration ?
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Exemples de modèles que propose Sabrina à ses élèves |
Je n’ai pas d’inspiration spécifique. Selon
mes humeurs, les périodes de ma vie, mes inspirations ont changé. J’ai eu des périodes
tailleurs chanel, robes chasuble, puis des
périodes sarouels, vêtements larges. Je pense qu’on évolue avec la mode mais
aussi avec l’âge, la maturité influence nos choix vestimentaires…et le pays
aussi ! Maintenant que je suis au Liban, mes goûts ont évolué, et j’aime
des choses différentes que quand je vivais en France parce que le style de vie
a changé. Je ne peux pas vraiment dire que je suis fan d’un styliste en
particulier depuis des années.
Parlant de stylistes, qu’est-ce que tu penses
des stylistes libanais, comme Elie Saab, Zuhair Murad ou Rabih Keyrouz ?
J’aime bien, ils ont souvent des inspirations
très orientales. On m’a proposé de travailler avec une jeune créatrice
libanaise, et j’avais peur que ce soit trop oriental. J’ai un style plus
occidental, et je ne sais pas si je pourrais
mettre la dose de volume, la dose de paillettes qui convient à ce style. Rabih Keyrouz est moins "oriental", d'ailleurs, on a fait la même école à Paris. [C’est aussi de là qu’est
diplômé Yves Saint-Laurent]
Est-ce
que tu as des petits rituels de couture ?
Je n’ai pas vraiment de rituels, mais lorsque je couds, je m’enferme dans ma bulle,
coupée de ce qui se passe à l’extérieur. Des fois je mets de la musique puis je
n’y fais même plus attention.
Tu
aurais des conseils à donner à des débutantes ?
Ne
pas se décourager. On a l’impression qu’il y a tant de choses à savoir qu’on
n’y arrivera jamais. Surtout si on fait une école, on apprend tout en même
temps : patrons, couture, termes techniques, tissus. Les années
d’expérience font qu’on a un meilleur niveau. Quand on commence à travailler on
a l’impression de manquer de technique, mais c’est le temps qui permet de
s’améliorer. Il faut garder confiance en soi, et s’y accrocher.
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Le blouson, sur ma to-do list. |
Comme métier, c’est une passion. Les
créateurs grandissent avec cette passion. On se couche en pensant à ces
modèles, on se lève en y pensant aussi. On vit avec ça tous les jours, et tout
peut nous inspirer : la télé, la rue, les magazines. C’est un travail
non-stop qui prend beaucoup d’énergie, pas le genre d’activité que tu oublies
une fois rentrée du bureau. Courage et persévérance, c’est vraiment ça. C’est
dur mais parfois, c’est aussi synonyme de satisfaction quand on finit quelque
chose qu’on a eu du mal à faire, qu’on a eu envie de jeter par la fenêtre.
Un
secret couture à partager?
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La règle japonaise donne les centimètres et les angles |
La
règle japonaise, [rebaptisée la règle magique]. Je la prends partout avec moi,
surtout pour dessiner les patrons, mais c’est aussi utile pour la couture, par
exemple pour dessiner les marges de couture rapidement.
Quels
sont tes prochains projets ?
Un
top court, crop en style bustier. Et une robe bustier, et une jupe avec un zip
en diagonale et la coupe en biais. Je voudrais proposer un autre modèle de jupe
pour mes élèves que celui que je propose actuellement. Je préfère faire mes
propres patrons à proposer aux élèves, plutôt que des Burda, où il y a parfois
trop de retouches à faire. Je suis passée par une période ou j’avais du mal à
faire des choses pour moi, mais les cours me redonnent envie. Faire un
prototype comme le haut ou le blouson ça motive les élèves à faire des choses
nouvelles. Quand elles le voient, elles ont plus envie de coudre.
Et
pour Pause couture ?
Je
voudrais ouvrir des séances de modélisme et de dessin de mode, pour apprendre à
mes élèves à faire un vêtement de la conception à la réalisation. Je pourrais
aussi proposer des stages de découverte du métier.
Et bien sûr, la carte vers Pause couture: